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Le modèle de l’agence dans l’assurance a-t-il toujours un intérêt ?

La digitalisation des pratiques d’achat est un fait acquis dans grand nombre de secteurs. Ce sont désormais environ 35 millions de Français, soit 79% des internautes qui achètent en ligne (chiffres clés Fevad 2015). Par ailleurs, la jeune génération que l’on nomme Y ou Z selon les cas, arrive à maturité et dispose d’un pouvoir d’achat qu’elle sera sans doute disposée à exercer en ligne.

Cette appétence croissante pour le digital pousse à réévaluer le rôle de l’agence dans tous les secteurs et en particulier dans le domaine de l’assurance car l’information est abondante en ligne et les possibilités de souscription sont désormais portées par plusieurs canaux de distribution.

L’agence, lieu de rencontre humaine, mais aussi centre de coût, a-t-elle toujours un intérêt ?

 

La relation humaine est-elle vouée à disparaître dans le secteur de l’assurance ?

L’assurance est un secteur particulier dans lequel, le produit acheté ne relève pas d’une envie ou d’une préférence marquée : souscrire un contrat d’assurance peut-être une obligation légale (auto) mais aussi une nécessité face aux difficultés normales de la vie (santé). L’assurance est par ailleurs un produit technique et, tant dans l’assurance de dommages que dans l’assurance de personnes, le client peut rapidement se poser une multitude de questions. L’explication par le dialogue est alors nécessaire et la rencontre avec un conseiller est de première importance.

C’est ce que semblent confirmer les chiffres. En 2012, une thèse de MBA de l’Enass notait que seulement 2 à 3% des clients souscrivaient leurs contrats en ligne. En 2015, l’Argus de l’Assurance dans ses « 10 chiffres pour comprendre la digitalisation de l’assurance », souligne que seuls 5% des produits d’assurances sont vendus entièrement en ligne, et que l’on peut s’attendre à voir cette part monter à 8% en 2016. La digitalisation ne rime pas forcément, en effet, avec des parcours client complétement digitaux : les canaux digitaux sont surtout des canaux de prise de contact.

Dans l’assurance les habitudes évoluent donc doucement. On est encore loin d’un modèle tout internet et l’agent semble encore avoir toute sa place. Ceci est confirmé par une étude menée par l’IPAG en 2014, qui souligne que, pour la majorité des acteurs, l’agence reste un canal de distribution de premier ordre, et qui évalue à 61 900 le nombre de points de vente en France.

Cependant, les usages fortement connectés de la jeune génération laissent penser, qu’à l’avenir, la distribution d’assurance pourrait se déplacer vers internet ou les applications mobiles. Il n’est donc pas prématuré de se soucier de l’avenir de l’agence.

 

Redonner de l’importance à l’agence et la replacer au cœur d’un parcours client « sans couture »

Si le numérique bouscule les codes de l’expérience client, il convient d’en maîtriser les usages qu’en font réellement les clients. La démarche de souscription est souvent initiée sur internet par la prise d’information sur les sites des différents acteurs et de plus en plus souvent par le recours aux comparateurs d’assurances.

Ainsi, plusieurs types de parcours sont envisageables. Un parcours classique, entièrement porté par le contact humain, se partageant entre l’agence et le téléconseiller, tant lors de la prise de renseignement que lors de la souscription. Un parcours moins linéaire, pouvant être celui d’un digital native, aura une forte dominante digitale en incluant une prise d’information sur le site de l’assureur ou auprès des comparateurs d’assurances, une souscription en ligne et un suivi du contrat grâce à une application mobile.

Ces deux parcours sont des supports de réflexion et l’on peut imaginer tous les mix possibles entre les différents canaux pour viser le meilleur apport de valeur aux clients.

Deux risques surgissent alors :

  1. Mal interfacer l’agence avec les autres canaux : c’est un fait, le client souhaite avoir le choix de son parcours de consommation et l’agence doit être correctement interfacée avec les autres canaux afin de proposer une expérience fluide
  2. Laisser l’agence gérer seulement les moments critiques tels que les sinistres et la résiliation : l’agence ne jouerait alors plus son rôle de distribution, son potentiel commercial serait amputé, et les coûts qu’elle génère ne seraient plus justifiés par sa rentabilité

Le premier risque inquiète d’ores et déjà les intermédiaires. Ceux-ci attendent des acteurs de l’assurance qu’ils les aident dans la mise en place de leur stratégie multicanal et cette attente ne serait précisément pas comblée pour un intermédiaire sur deux, comme le note l’Argus de l’Assurance : les intermédiaires souhaiteraient en effet avoir accès à des outils de mailing, avoir la possibilité de mettre en place un site web d’agence, et se faire aider dans la gestion de leur présence sur les réseaux sociaux.

Mais au-delà de cette intégration axée sur les outils, c’est le concept-même de l’agence qui peut être repensé afin de mitiger le second risque évoqué. Conserver un réseau d’agences a un intérêt en termes d’image de marque mais celles-ci doivent continuer à générer des leads et du profit : il faut continuer à pousser les clients à passer la porte de l’agence pour se renseigner et éventuellement souscrire un contrat. A titre d’exemple, Groupama a lancé dès 2008 des agences renommées « boutiques », au design ouvert, transparent, aux outils modernes, et censées inciter le passant à entrer.

 

Ce modèle date déjà un peu et il convient de se demander si le design et la mise en place d’une réponse technologique (tablettes tactiles) suffisent. Pourrait-on aller plus loin ? Pourrait-on imaginer d’autres services qui fassent de l’agence un lieu de vie et d’échange centré autour de la relation assureur-assuré ?

 

Quelques idées pour l’avenir de l’agence d’assurance

À l’avenir, l’agence doit être mieux intégrée à la stratégie multicanale et son apparence ainsi que son contenu « technologique » seront adaptés aux usages clients. Il ne restera alors plus qu’à l’animer, à la faire vivre en nouant un lien plus fort avec l’assuré, à l’image de ce qui se fait sur les réseaux sociaux avec la pratique du community management. Le community management consiste en effet à proposer du contenu, de l’animation, à faire réagir une communauté sans pour autant vendre un produit directement : la rentabilité du community management est indirecte et est concrétisée grâce à la fidélisation d’un public. L’agence pourrait ainsi devenir un lieu d’animation de communauté tout aussi bien qu’un lieu d’accompagnement de vie pour l’assuré dans le but de familiariser indirectement le client ou prospect avec les produits d’assurance d’une marque donnée.

Ainsi, pourquoi ne pas proposer en agence des rencontres autour de la prévention en santé ou des consultations gratuites de diététique ? Ces rencontres replaceraient l’agence en amont du sinistre tout en étant une occasion de repenser le devoir de conseil, facilitant ainsi le multi-équipement ou la montée en gamme.

Une autre possibilité serait de prolonger les actions communautaires entreprises sur internet. Un acteur comme la MAIF, très impliqué dans l’économie collaborative au travers de sa plateforme Maif Social Club et de ses partenariats (Koolicar ou Guest to Guest par exemples) pourrait s’appuyer sur son réseau d’agences locales pour animer sa communauté en proposant des projets et évènements entre sociétaires et refaire de la proximité un vecteur de différenciation. Cette approche communautaire serait en phase avec les valeurs mutualistes.

Cette réorientation du rôle de l’agence doit s’inscrire dans une conduite du changement afin d’accompagner les agents pour passer du rôle de gestionnaire-commercial vers un rôle d’animateur-conseiller. C’est aussi l’implantation des agences qui pourrait être repensée en fonction de cette nouvelle stratégie de contenu ; leur localisation et leur structure pouvant ne plus répondre à ces nouveaux enjeux. Par ailleurs, les entités locales ayant peu de moyens en propre, des moyens devront être mis à leurs disposition afin qu’elles puissent mieux comprendre les besoins de leurs clients grâce à des outils tels que des ateliers de co-création ou les analyses fournies par le big data.

 

 

L’agence n’est donc pas destinée à disparaître à court terme, du moins pas la présence locale. C’est un modèle protéiforme qui va voir le jour pour lequel chaque acteur de l’assurance aura à conduire une réflexion stratégique afin de mieux intégrer l’aspect commercial dans une stratégie de relation client multicanale tout en créant de nouvelles propositions de valeur en résonance avec les nouveaux usages et les attentes des portefeuilles clients.