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Comment les agents généraux abordent-ils la transition digitale ?

Nous le soulignions dans notre précédent article, le digital a un impact non négligeable sur la manière de vendre de l’assurance. Ainsi, les agents généraux voient leurs métiers évoluer rapidement par la montée en puissance des comparateurs d’assurance et des outils digitaux mis en place par leurs compagnies mandantes. Tout l’enjeu est de continuer à proposer une expérience client enrichissante grâce à un conseil de qualité et un contact humain, au cœur du métier d’agent général.

Comment les 12 000 agents généraux de France s’approprient-ils le nouveau contexte digital et comment s’y adaptent-ils ?

 

Des inquiétudes face à la transition, des difficultés face aux nouveaux outils

Dans son observatoire des agents généraux 2014, l’Argus de l’assurance note que 68% des agents généraux interrogés s’attendent à une réduction des contacts téléphoniques ou physiques aves leurs clients au profit des nouveaux canaux de communication. Cette transition attendue peut poser problème dans un métier ou le contact humain a toujours été le nerf de la guerre. Pour autant, les nouvelles technologies ne peuvent-elle pas renforcer cette proximité ? Ainsi, le même observatoire note que 55% des agents interrogés pensent pourvoir s’appuyer sur les nouveaux outils de la mobilité pour se déplacer davantage auprès de leurs clients.

Il y a donc un enjeu fort au niveau des outils digitaux : mal utilisés ils pourront signer la fin de la relation humaine, bien utilisés ils amèneront une proximité accrue. Or les agents généraux n’ont pas toujours les moyens financiers comme humains de s’investir dans une transition digitale à l’échelle de leur agence.

Il est, en effet, difficilement envisageable pour un agent général de développer, par exemple, sa propre application mobile à destination de ses clients : outre le coût afférent pouvant être important, l’effet de réseau et l’effet de marque apportés par la compagnie mandante en seraient annulés. C’est donc bien aux mandantes de proposer les outils digitaux adéquats. Celles-ci le font depuis plusieurs années mais la start-up Hearsay Social dans son étude intitulée « La Transformation digitale de l’intermédiaire d’assurance du futur » présentée en 2016, note que si 92% des intermédiaires (incluant donc les agents généraux) utilisent les outils digitaux mis à leur disposition, seulement 35% en sont satisfaits. L’amélioration des outils, mais aussi l’accompagnement et la formation, bien que s’étant largement intensifiés ces dernières années, restent donc encore primordiaux. Et ceci est d’autant plus vrai dans un contexte de ressources humaines limitées : avec environ 2,3 collaborateurs par agence (voir les derniers chiffres disponibles de l’Agéa) il est difficile de dédier un collaborateur à la compréhension et à l’utilisation des outils digitaux.

Si les compagnies mandantes sont tout-à-fait au fait de ces enjeux et améliorent sans cesse leurs actions en ce sens, du côté des agents généraux, hors de question d’attendre que le train passe : l’action institutionnelle est déjà en marche.

 

Agir face à un monde et un métier qui changent : l’action institutionnelle

En février 2016, les travaux du Bipar, la fédération européenne des intermédiaires d’assurance, à laquelle appartient l’Agéa (fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance), ont dégagé cinq grands principes afin de resituer l’agent face à la compagnie d’assurance dans un contexte de digitalisation. Ces grands principes ont abouti à la création d’ une charte, intitulée « Charte du Digital », qui a été signée par dix fédérations européennes dont l’Agéa. Interrogé par l’Argus de l’Assurance, Patrick Evrard, son président, expliquait son objectif : « [Cette charte] va être diffusée auprès des médias et des pouvoirs publics pays par pays. L’objectif est de rappeler les spécificités des agents généraux et de valoriser ce mode de distribution. »

Mais au-delà des grands principes et de la communication, l’Agéa souhaite accompagner ses adhérents. Incluse dans un projet de transformation interne de la fédération, une nouvelle structure nommée Agéa Digital est en cours de développement. Celle-ci aura pour vocation l’accompagnement des agents. Elle viendra donc renforcer les actions entreprises dans ce sens par les mandantes. Au demeurant, l’Agéa propose d’ores et déjà une formation intitulée « Agent digital : passez à l’action du virtuel au business », présentant un objectif de compréhension des canaux digitaux mais aussi une maîtrise technique des réseaux sociaux.

Par ailleurs, l’Agéa cherche à améliorer sa compréhension du contexte digital. Un inventaire des pratiques et outils existants a ainsi été réalisé par un groupe de travail animé par Pascal Chapelon, président du syndicat des agents Axa. Ce travail se voit prolongé par une étude qui sera présentée en octobre, dont le but est de mesurer notamment l’intérêt du digital en termes de productivité et d’apport de contrat. Enfin, ces travaux seront complétés par des rencontres avec des start-ups afin d’identifier les nouveaux outils potentiellement utiles aux agents dans le traitement des données par exemple.

Mais au-delà des actions menées par les agents généraux eux-mêmes, c’est par une relation agents-mandantes renouvelée que la transition digitale pourra être surmontée au mieux.

 

Faire évoluer le modèle de distribution en co-construction avec les mandantes

Pour les agents généraux, agir seul est compliqué, agir au niveau fédéral ne suffit pas : il faut s’appuyer sur la relation agent-mandante. Et cela va bien au-delà des outils. La question qui se pose est celle du modèle de distribution et de gestion des prospects : comment les traiter ? qui doit les traiter ? qui paye l’acquisition de ces prospects ? quel modèle de rémunération adopter ?

La transition digitale, en effet, a fait apparaitre un nouvel acteur, le comparateur d’assurance. Diane Larramendy, directrice générale de LeLynx.fr, déclarait dans un article de la Tribune de l’Assurance en 2014 : « [Les comparateurs] ont engrangé 5 millions de devis autos en 2012 et 6 millions en 2013, sur un marché de l’automobile qui compte 32 millions de véhicules particuliers. Nos plates-formes sont devenues complémentaires des agents généraux dont ils reçoivent les prospects par compagnies interposées ». Le rôle de chacun semble ici entièrement redéfini : l’agent général ne génère plus de prospect, la compagnie n’est qu’un intermédiaire, le comparateur est la porte d’entrée du client. Or le comparateur d’assurance vend les fiches prospects à la compagnie et celle-ci le refacture à l’agent général.

Pour éviter que la relation agent-mandante ne se transforme en simple relation acheteur-vendeur (de prospects), les compagnies et les agents se tournent vers une refonte en co-construction du modèle de distribution. Allianz France s’est, par exemple, appuyé sur le syndicat de ses agents généraux, Mag3, pour mettre en place un modèle multi-accès fluidifiant l’expérience client : le passage du digital à la relation humaine en agence est à tout moment facilité. L’accord entre Allianz France et Mag3, signé en 2014, s’inscrit dans un cadre global de simplification et de modernisation des offres et outils. L’adoption de ce protocole est laissée à l’appréciation de chaque agent et les modalités de facturation des prospects y sont précisées : seuls les nouveaux prospects générés en ligne, hors site individuel de l’agent, sont facturés. Les transferts de contrat le sont également.

 

La transition digitale n’est plus aujourd’hui vue comme une menace. Les inquiétudes et difficultés sont levées les unes après les autres grâce à l’engagement individuel et institutionnel des agents, et grâce à l’action des compagnies mandantes. La digitalisation apparaît comme une occasion de créer de nouveaux modèles dont l’agent ne sortira pas perdant et qui apportera au client une expérience améliorée. Les derniers chiffres disponibles montrent que les agents généraux constituent encore à ce jour le premier mode de distribution d’assurance.

Mais au-delà du contexte de transition digitale, il appartient aux compagnies d’entretenir la qualité de la relation avec leurs agents généraux en les accompagnant tout au long de leur parcours professionnel. Nous analyserons dans un prochain article cet accompagnement en utilisant le cadre théorique du parcours client, comme nous avons pu le faire auparavant pour le parcours candidat.